Tanzanie

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Le chemin de Goodluck : quand la persévérance et un peu de chance font bifurquer et briller un avenir qu’on croyait tout tracé

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La Tanzanie, joyau de l’Afrique de l’Est, émerveille par ses paysages à couper le souffle et sa richesse culturelle captivante. Entre les plages paradisiaques de Zanzibar, les vastes savanes du Serengeti et le majestueux Kilimandjaro, le pays incarne un rêve pour les aventuriers et les amoureux de la nature. Pourtant, derrière cette façade idyllique, la Tanzanie fait face à des défis majeurs. Avec un taux de pauvreté touchant près de 26% de la population et une économie reposant à 65% sur l’agriculture de subsistance, de nombreuses familles peinent à satisfaire leurs besoins fondamentaux et seulement 33% des jeunes atteignent l’enseignement secondaire.

Pour Goodluck, 24 ans, fils d’agriculteurs et troisième d’une fratrie de cinq, suivre les pas de ses parents en travaillant la terre semblait être une évidence. Mais la chance (un peu) et la persévérance (beaucoup) en ont décidé autrement.

La Tanzanie fait partie des pays d’Afrique où l’éducation primaire est obligatoire et surtout, gratuite. Depuis 2002, cette gratuité a permis à des millions d’enfants de recevoir une éducation de base dès sept ans.

Goodluck fait partie de ces enfants. En 2007, il entre à l’école. Très vite, il excelle en classe et réussit haut la main son examen de fin d’enseignement primaire. Mais cette victoire fait place à une réalité difficile : à cette époque, l’enseignement secondaire n’est toujours pas gratuit. Faute de ressources financières, il reste un luxe inaccessible pour beaucoup de Tanzaniens. Goodluck s’apprête donc à quitter définitivement l’école.

C’est à ce moment que le destin lui donne un solide coup de pouce. La même année, le gouvernement tanzanien décide de rendre l’enseignement secondaire également gratuit. Une chance inouïe pour Goodluck qui le reconnaît : « Continuer mon parcours scolaire aurait été impossible sans cette décision. J’aurais probablement dû revenir chez moi et travailler dans l’agriculture avec mes parents, mon frère et mes sœurs. »

Mais la chance a un prix. L’établissement scolaire le plus proche reste très éloigné de son domicile. « Je ne connais pas la distance exacte en kilomètres, mais je partais à 4h du matin en vélo pour arriver à temps pour les cours à 8h. À 14 h, je quittais l’école pour être chez moi vers 18 h. » Et toute cette route, il la faisait le ventre vide. Entre ses 14 et 18 ans, Goodluck pédalait autant qu’un cycliste professionnel, mais sans monter sur un podium. Car son podium à lui, c’était réussir ses études secondaires.

C’est d’ailleurs sur ces longues pistes poussiéreuses que prend racine son rêve de devenir électricien.

Malgré ces trajets épuisants, Goodluck obtient son diplôme. Mais cet exploit est immédiatement suivi d’une nouvelle désillusion : ses parents ne comprennent pas son rêve de devenir électricien, une ineptie pour cette famille qui travaille la terre depuis des générations et qui n’a de toute façon pas les moyens d’assumer les coûts d’une formation supplémentaire.

Contraint de ronger son frein, Goodluck rejoint ses frères et sœurs dans les champs de la petite exploitation familiale. Ce qui ne l’empêche pas de postuler discrètement auprès du centre de formation professionnelle Don Bosco Oysterbay, à Dar es Salam, en espérant rentrer dans les conditions lui permettant d’obtenir un soutien financier.

Un an plus tard, la nouvelle tant attendue arrive : il est accepté pour intégrer la filière “Electric Installation”, une formation professionnelle de 3 ans, au terme de laquelle il pourra réaliser son rêve.

Goodluck s’engage corps et âme dans son parcours scolaire. Comme toutes les écoles partenaires de VIA Don Bosco, le centre de formation professionnelle Oysterbay ne se contente pas de dispenser des cours techniques : les programmes pédagogiques sont calibrés sur les besoins du marché du travail local et les cours intègrent l’apprentissage de compétences non-techniques (les « soft skills »), si importantes pour trouver un emploi. Le jeune et timide Tanzanien prend peu à peu de l’assurance, réussit une année, puis l’autre et en septembre 2024, décroche son diplôme d’électricien.

Un mois plus tard, il est engagé chez Elsewedy Electric, l’un des leaders mondiaux dans le domaine de l’électricité. « Elsewedy Electric est partenaire de notre Bureau d’Emploi (BDE) local depuis plusieurs années, explique Sarah Maria Truzzi, project coach de la Tanzanie et de Madagascar chez VIA Don Bosco. Dans tous les pays où nous sommes présents, les BDE sont un marqueur spécifique des programmes de VIA Don Bosco. Leur rôle est d’accompagner les jeunes diplômés vers l’emploi ou vers l’auto-emploi. »

« Le BDE m’a rapidement mis en contact avec Elsewedy Electric, nous raconte Goodluck. Aujourd’hui, mon salaire permet de soutenir financièrement ma famille et même de pourvoir aux frais de scolarité de mon petit frère. » C’est l’effet boule de neige : la réussite du grand-frère a donné des ailes au cadet. « Il est en secondaire et maintenant, il veut faire des études comme moi, mais pour devenir comptable. »

Goodluck le sait : plus tard, ses enfants iront aussi à l’école et se formeront. Mais pour le moment, fonder une famille n’est pas à l’ordre du jour. « Dans 4 ou 5 ans, peut-être. Je me concentre sur mon travail et je me renseigne aussi pour encore continuer mes études et obtenir un diplôme supérieur. Un jour, je serai indépendant, j’aurai ma propre entreprise. »