Tanzanie

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Des cellules d’écoute et de soutien pour lutter contre les violences basées sur le genre

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Les inégalités de genre sont encore très prégnantes en Tanzanie. Selon les chiffres de l’UNESCO, seules 39 % des filles fréquentent l’école secondaire et moins de 3 % poursuivent leurs études dans l’enseignement supérieur. Face à ce constat, VIA Don Bosco a décidé de mettre en place un nouveau dispositif : le « Gender Desk », un ensemble de cellules d’écoute et de soutien destinées aux jeunes filles pour lutter contre les violences basées sur le genre.

Jennifer Gabriel a 27 ans. Depuis cinq ans, elle enseigne l’anglais à l’école Don Bosco Oysterbay, une école partenaire de VIA Don Bosco située à Dar Es Salaam. Depuis peu, elle est également responsable du Gender Desk de son école, un dispositif financé par VIA Don Bosco et qui a pour but de rendre l’éducation plus accessible et plus sûre pour les filles dans le pays.

« La direction a remarqué que j’interagissais beaucoup avec les étudiantes. Elle m’a donc demandé de diriger le Gender Desk », explique Jennifer. « Il s’agit d’un dispositif – un endroit ou une personne désignée- qui a pour but d’aider les filles à parler librement de leurs problèmes. Nous cherchons ensemble des solutions et, seulement si l’élève le souhaite, nous impliquons également les parents. J’organise aussi des activités ludiques en dehors des heures de cours, pour créer une relation
de confiance avec les filles qui viennent me voir.»

Les filles ayant suivi un enseignement secondaire
gagnent presque deux fois plus

Parmi les raisons qui freinent la scolarité des filles, les violences basées sur le genre restent l’un des obstacles majeurs. « Malheureusement, cette forme de violence est encore fréquente en Tanzanie », explique Sarah Maria Truzzi, responsable des projets de VIA Don Bosco pour la Tanzanie et Madagascar. « Il n’est pas rare que des
étudiants ou des enseignants masculins harcèlent verbalement, voire physiquement, des étudiantes ou des enseignantes. La plupart des victimes ne le signalent pas par peur des représailles ou parce qu’elles pensent que les hommes ne seront de toute façon pas punis. Il est donc important de leur offrir un espace sûr où elles peuvent se rendre, si nécessaire de manière anonyme, et obtenir l’aide dont elles ont besoin. »

Les grossesses prématurées constituent un autre obstacle de taille. Selon les chiffres de l’UNICEF, 22 % des jeunes Tanzaniennes deviennent mères avant 20 ans.
« L’année dernière, dans notre école, trois filles étaient enceintes. Ensemble, nous avons trouvé des solutions : elles vont pouvoir terminer leurs études », ajoute Jennifer. Les filles sont libres de faire appel au Gender Desk quand elles en ressentent le besoin. Mais Jennifer peut elle-même être proactive. « J’ai constaté qu’un certain nombre de filles manquaient chaque mois plusieurs jours d’école. En discutant avec elles, j’ai compris que leur absence était liée à leurs règles, au manque de
produits menstruels et d’installations sanitaires. Nous avons donc adapté l’infrastructure de l’école et je veille désormais à ce que les produits nécessaires soient
toujours disponibles au Gender Desk. »

Dernier axe d’action du Gender Desk : la lutte contre les préjugés qui restent ancrés dans la société tanzanienne. « Certains employeurs n’acceptent que les garçons en stage parce qu’ils pensent que les filles ne sont pas capables de faire le même travail. Et il y a encore des profs qui pensent que les filles auront de toute façon de moins bons résultats. Nous menons donc régulièrement des campagnes de sensibilisation auprès des enseignants et enseignantes, et des employeurs. On commence d’ailleurs à percevoir un début d’amélioration. »

« Améliorer l’accès des filles à l’éducation est vraiment essentiel pour nous et pour VIA Don Bosco, conclut la jeune femme. D’abord pour les principales intéressées parce qu’on sait que, pour chaque année d’école, le revenu futur potentiel des filles augmente de 10 à 20 %. Les femmes qui obtiennent leur diplôme secondaire gagnent même deux fois plus. Mais cela a aussi des effets à long terme pour toute la communauté locale car les femmes qui ont été à l’école font le maximum pour que leurs propres enfants aient les mêmes opportunités. »

Jennifer est parfois confrontée à des sujets émotionnellement lourds. Pourtant, elle apprécie énormément son travail, car elle sait qu’elle a un impact positif, également sur les générations à venir.