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Ann et Fathia de retour de Madagascar : « J’ai adoré écouter les jeunes »

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« Qui veut accompagner Kim Gevaert à Madagascar ? » Pas moins de 721 personnes ont répondu à l’appel lancé en mars dernier par VIA Don Bosco et le journal La Libre. L’objectif de la mission ? Évaluer de manière critique et « non-experte » les programmes de VIA Don Bosco. Ann De Wilde et Fathia Ben Kouider ont été sélectionnées. Elles se sont envolées le 16 mai vers l’île continent. De retour en Belgique, elles ont été débriefées par les équipes de VIA Don Bosco. Elles reviennent pour nous sur ce voyage qui les a marquées à jamais.  

C’était la première fois qu’Ann et Fathia se rendaient à Madagascar. Dès leur arrivée à l’aéroport d’Antananarivo, la capitale, elles ont été frappées par la très grande gentillesse des Malgaches. « Cela a été une constante tout au long du voyage », confie Ann.

Après le week-end, elles ont visité une première école partenaire de VIA Don Bosco, située dans la ville voisine d’Ivato. « Toutes les écoles que nous avons visitées sont vraiment très bien entretenues et les élèves sont très discipliné·e·s. Ils pourraient en prendre de la graine chez nous ! », sourit Ann.

Fathia acquiesce. « Là-bas, les jeunes sont conscient·e·s qu’un diplôme peut changer leur vie. Personne n’est là par obligation, mais par choix et par détermination. Ils croient en l’éducation et peuvent compter sur des enseignant·e·s et d’autres membres du personnel scolaire très motivé·e·s. »

« Nous choisissons l’impact le plus important »

Outre les écoles, Ann et Fathia ont également rendu visite aux familles de certains élèves. « Ces rencontres m’ont bouleversée, avoue Fathia. Nous avons rencontré un père qui se lève tous les jours à 4 heures du matin pour remplir 50 jerrycans d’eau. Il tire ensuite ce poids énorme sur une charrette pour aller le vendre. Avec cet argent, il paie les frais de scolarité de sa fille. »

Ann a également été impressionnée. « Nous avons rendu visite à la famille de Rico, un élève qui habite lui aussi à Ivato. Sa sœur de 17 ans a un enfant de 3 ans et un bébé de 6 mois. Ils vivent dans des conditions inconcevables, tous dans une petite pièce sous le même toit en tôle ondulée. Leur situation peut nous paraître désespérée mais Rico est déterminé : chaque jour, il marche une heure et demie pour se rendre à l’école. Parce que son rêve, c’est de devenir mécanicien. »

Cette dure réalité a fait réfléchir les deux témoins. « VIA Don Bosco devrait investir dans l’aide psychologique pour les jeunes », estime Fathia.

Ann surenchérit : « L’extrême pauvreté dans laquelle vivent les élèves est inimaginable. Ils ne vivent pas, ils survivent. « L’extrême pauvreté dans laquelle vivent les élèves est inimaginable. Ils ne vivent pas, ils survivent. Je me demande s’il y a moyen que VIA Don Bosco paie les frais de scolarité des jeunes (ndlr : 2 euros par mois par étudiant·e, soit 57 600 euros par an). »

« C’est une question très pertinente, répond Sarah Maria Truzzi, coach de projet chez VIA Don Bosco. « VIA Don Bosco a choisi d’agir au niveau macro. Si vous payez les frais de scolarité d’un·e élève, vous n’aidez que cet·te élève. Si vous payez le salaire d’un·e enseignant·e, vous aidez immédiatement toute la classe. Nous choisissons l’impact le plus important. » 

« Pourquoi ne pas collaborer avec des entreprises belges ? »

Après Ivato, Ann et Fathia ont poursuivi leur route vers Fianarantsoa, une ville des hautes terres située au Sud d’Antananarivo. En raison du mauvais état du réseau routier, le trajet de 450 kilomètres leur a pris pas moins de 18 heures. C’est l’un des nombreux obstacles qui empêchent cette ville et le pays à se développer.

Dans cette ville rurale, elles ont visité une autre école partenaire de VIA Don Bosco : le Centre de Formation au Travail Don Bosco de Fianarantsoa. Fathia rayonne : « Nous avons été accueillies avec de la musique et des danses. La fierté que les gens ressentent ici pour leur culture est magnifique. Les élèves portaient un tissu autour des épaules et tenaient un bâton pour symboliser la force et la dignité. »

Mais ici aussi, certains points sensibles sont apparus aux yeux de nos deux témoins. « Dans la formation en mécanique automobile, il n’y avait qu’un seul vieux moteur pour vingt élèves, explique Fathia. En travaillant avec du matériel obsolète, les jeunes ne sont pas suffisamment préparé·e·s au marché du travail. VIA Don Bosco pourrait peut-être collaborer avec des entreprises belges pour envoyer du matériel d’apprentissage aux écoles ? »

Sarah Maria Truzzi confirme le problème. « Nous n’avons pas le budget suffisant pour renouveler chaque filière scolaire. Les partenaires choisissent eux-mêmes les appareils qu’ils achètent avec nos fonds sur la base d’une analyse du marché du travail. Nos Bureaux d’Emploi concluent aussi des partenariats avec des entreprises locales qui, elles, possèdent des machines neuves, afin que les jeunes puissent s’y exercer. »

Finalement, Ann et Fathia retiennent surtout la résilience du peuple malgache. Malgré des conditions extrêmement difficiles, « ils trouvent la force de danser, de faire la fête et de rire, remarque Ann. Mais je sais qu’au fond d’eux-mêmes, ils sont très inquiet·e·s. Le travail de VIA Don Bosco est donc vital. »

Pour Fathia, cette expérience n’a pas seulement été une découverte mais aussi un véritable voyage intérieur. « Cela m’a ramenée à l’essentiel, à la joie et au contact humain, explique-t-elle. « VIA Don Bosco est un levier d’autonomie. L’ONG aide les jeunes à prendre leur vie en main en leur offrant un environnement bienveillant, structuré et stable. J’ai adoré écouter les garçons et les filles, même si j’ai parfois été choquée par ce que j’ai entendu. En tant que témoin, je souhaite maintenant partager leurs histoires en Belgique, dans l’espoir que de plus en plus de personnes s’engagent en faveur de l’éducation. Car oui, l’éducation change vraiment des vies. »