Bénin

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« Gislain, mon cher Gislain. C’est la police qui nous l’a amené. C’était en 2011-2012 »

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Nichées en lisière du marché Dantokpa, le plus grand marché d’Afrique de l’Ouest, deux « baraques » dénotent au milieu de cet environnement saturé de couleurs, de bruits et d’odeurs exotiques. À l’intérieur, des dizaines de filles et de garçons, souvent très jeunes, jouent, dansent, chantent, apprennent à lire ou dorment sur un banc.

« On estime qu’environ 1.000 enfants vivent dans le marché Dantokpa », raconte Claudine Boyissou, responsable d’une des deux baraques. « Chaque année, nous en accueillons entre 300 et 400. Nous sommes vraiment un temps et un lieu de repos ».

Orphelin·es ou vivant loin de leurs familles, ces enfants constituent une main-d’œuvre malléable et peu coûteuse pour les vendeurs et vendeuses du marché. On les croise derrière presque toutes les échoppes, à vendre ou porter des marchandises bien lourdes ou volumineuses.

« Ces enfants sont souvent victimes d’exploitation, d’abus, de violences et d’injustices. La nuit, ils et elles dorment sous les étals ou dans des locaux insalubres, loués à des prix exorbitants. Il y a un tas de choses qui se passent dans le marché ». Et, bien sûr, ces garçons et ces filles ne vont pas à l’école.

« Gislain a connu ce type de parcours », confie dans un murmure Séverin Ahlonsou, éducateur spécialisé au Foyer de Catchi, un centre partenaire de VIA Don Bosco pour l’accueil des enfants de la rue. « C’est la police qui nous l’a amené. Si j’ai bonne mémoire, c’était en 2011-2012 ».

Âgé à l’époque de moins de 14 ans, Gislain est un cas parmi la trentaine d’enfants que les partenaires de VIA Don Bosco parviennent chaque année à arracher au marché et à la rue.  

« Une fois ces jeunes sorti·es du marché, notre objectif est de les réinsérer dans un itinéraire d’abord scolaire puis professionnel », explique Wisdom Tsedi, coach de projet chez VIA Don Bosco. « Nous travaillons pour cela avec tout un réseau de partenaires dont les baraques et le Foyer Catchi sont le premier maillon et nos bureaux d’emploi l’ultime étape ».

Aujourd’hui, Gislain gère trois exploitations agricoles. Il est consultant pour des fermes au Bénin et dans les pays voisins, forme de nombreux jeunes et anime des groupes Facebook et Whatsapp pour transmettre son savoir. « Comme tous les jeunes de nos écoles partenaires, notre bureau d’emploi l’a suivi pendant plusieurs années pour le conseiller et s’assurer que sa réinsertion se déroulait au mieux ».

Si Gislain a pu réaliser son rêve, c’est parce qu’il a travaillé dur. Il a planifié son projet avec méthode et discernement et fait preuve d’une grande volonté pour le mettre en œuvre. Isabelle, sa fiancée, suit actuellement une formation en agroforesterie. « Mon projet avec Isabelle, c’est d’être plus grand. Après on peut faire deux ou trois enfants, c’est… c’est fini. C’est le point final ! » conclut-il dans un rire.