En Haïti aussi, l’éducation change des vies | VIA Don Bosco

En Haïti aussi, l’éducation change des vies

21 janvier 2022
Amélie JANSSEN
Depuis de nombreuses années, Haïti subit des crises à répétition. Un contexte qui complique fortement la vie et les activités de formation et d’insertion socio-professionnelle des jeunes des centres salésiens avec lesquels nous travaillons. Le récent tremblement de terre a lui aussi eu un impact, notamment sur nos partenaires aux Cayes. C’est à croire que le sort s’acharne sur le pays. Et la population, dans tout ça ?

Tabarre, septembre 2021. Dans les rues de ce quartier proche de l’aéroport de Port-au-Prince, l’ambiance a bien changé. Jadis réputé comme étant l’un des quartiers les plus sûrs de la ville, il est aujourd’hui une zone où s’installent des gangs surarmés. En quelques années, ces gangs ont pris de plus en plus de pouvoir et étendu leur emprise sur la capitale, engendrant un climat de peur au sein de la population. La vie quotidienne est devenue particulièrement éprouvante tant la violence et la pratique des rapts contre rançons sont devenues monnaie courante.

Cette tension s’est également propagée en dehors de la capitale, rendant les déplacements chaque jour plus compliqués et plus risqués. Les principaux axes routiers sont devenus très dangereux, compliquant singulièrement l’accès à la capitale et découpant le pays en différentes zones d’influence. Dans la mesure où toutes les institutions du pays sont centralisées à Port-au-Prince, ceci pose d’énormes problèmes. Ces liaisons difficiles ont aussi compliqué l’acheminement de l’aide suite au tremblement de terre du quatorze août dernier, notamment vers la ville des Cayes où se trouvent deux de nos écoles partenaires, toutes deux très durement touchées par le séisme. Heureusement, malgré ces conditions de transport difficiles, nos partenaires ont réussi à acheminer une aide d’urgence et à distribuer des tentes provisoires et des kits alimentaires aux familles des élèves.

Phénomènes climatiques extrêmes, crises socio-politiques à répétition, marasme économique… Haïti vivote depuis bien trop longtemps. La population est plongée dans le désespoir et, pour beaucoup, dans la précarité. Selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté atteint désormais les soixante pourcents. En 2018, le pays a connu une énième crise politique et sociale, suite aux révélations de graves cas de corruption au sein du gouvernement. Beaucoup ont réclamé la démission du président Jovenel Moïse. Il faut dire que la légitimité du président, déjà remise en cause lors de son élection en 2016, avait encore été ternie par sa décision en 2020 de gouverner par décrets, mettant ainsi de côté le parlement. Par trois fois, le pays a été paralysé par des mouvements sociaux appelés « peyi lók » (« pays bouclé » en créole), dont le plus long a duré plus de trois mois. Comme pour tester encore davantage la résilience des Haïtiens et des Haïtiennes, la crise du Covid-19 s’est invitée à son tour.

Dans le pays, en l’absence d’un État fort et stable, il faut savoir s’adapter et trouver des solutions créatives aux problèmes de tous les jours. Malgré les blocages, les pénuries et les fermetures des écoles, nos partenaires assurent les cours et les formations, quitte à travailler le week-end. Grâce à leur volonté et à leur dévouement, les élèves peuvent continuer à présenter leurs examens et obtenir leurs diplômes.

C’est ainsi que suite au confinement, le centre de la DBTec, l’école polytechnique Don Bosco, a développé et mis en place une plateforme d’apprentissage en ligne pour permettre aux élèves infirmiers et infirmières de poursuivre leur formation. Pyrame Herodelto, professeur de microbiologie du centre, témoigne : « La plateforme que la DBTec a développée m’a permis de contourner la pandémie de Covid-19 et de terminer mon programme pédagogique à la date prévue. Les apports techniques et financiers mis à disposition par la direction ont permis aux élèves de réussir leur année académique 2019-2020. »

La recherche de stage et d’emploi des élèves de dernière année se révèle également plus compliquée dans le contexte actuel. De nombreuses entreprises ont fermé leurs portes ou fonctionnent dorénavant avec un personnel réduit. « Le marché n’est pas florissant. Dans les villes de province, il y a un grand manque d’entreprises. Parfois, elles sont tellement éloignées que les jeunes n’ont pas les moyens de s’y rendre chaque jour. La capitale offre à priori plus d’opportunités d’emploi, même si l’accès y est chaque jour plus compliqué. Les entreprises n’ont pas forcément la capacité de recruter du personnel, ni même d’accueillir et d’encadrer des stagiaires. Et puis, le marché du travail est devenu extrêmement compétitif. Les entreprises demandent des compétences nouvelles, comme l’anglais par exemple, forçant les jeunes à se préparer davantage pour les acquérir », témoigne Tamara Bernadel, la responsable du Bureau d’Emploi des salésiens.

Grâce à leur persévérance et à l’appui des centres, des jeunes parviennent malgré tout à trouver des stages et à s’insérer sur le marché du travail. D’autres encore, comme Saphira, ont la chance de suivre une formation complémentaire et de se perfectionner dans l’apprentissage d’un métier grâce à une bourse octroyée par les partenaires. Après sa formation en coupe et couture au centre de l’EPSJB à Port-au-Prince, Saphira a terminé son parcours scolaire parmi les meilleures de sa promotion. Désormais bien outillée pour trouver un emploi, elle garde un très bon souvenir de ses études : « Je n’ai pas uniquement reçu une formation en couture, mais aussi sur bien d’autres sujets : l’éthique professionnelle, l’estime de soi, le genre, l’entrepreneuriat et l’environnement. C’est d’ailleurs ce module sur l’environnement qui m’a conduite dans le sud du pays, accompagnée par mes professeurs et d’autres filles et garçons de ma classe. C’était incroyable ! Malgré les difficultés et les troubles de la cité, j’ai réussi à faire un stage, à terminer mon apprentissage et à participer à l’examen d’État. Maintenant, je suis capable de confectionner des robes, des chemises… Je peux dire que je suis fière de moi et de mon école. »

Nos partenaires s’engagent jour après jour en faveur des jeunes, ces filles et ces garçons qui représentent l’avenir du pays. Plus que jamais, malgré la situation compliquée, ils partagent le slogan de VIA Don Bosco : « Education changes the world » !

Ainsi, Haïti est pleine de contrastes. À ses paysages envoûtants, sa culture passionnante et la chaleur de sa population, se mêlent des images de chaos, de désespoir et de tristesse. À ce chaos, les hommes et femmes d’Haïti répondent par une énergie et une volonté qui ne peuvent que forcer l’admiration. Et presque toujours sans se départir de leur sourire et de leur humour. Car, plus que jamais, les Haïtiennes et les Haïtiens veulent être les protagonistes de leur histoire. Ayiti Cherie, de tout cœur avec toi dans ces moments difficiles. « Nou sonje pèp ayisyen anpil ! Couraj ! » (Nous pensons fort au peuple haïtien, courage).

en coopération avec

marque de qualité